Jean Roba

Jean Roba
Dessin . Scénario

28/07/1930 - 14/06/2006

Biographie de Jean Roba

Le grand créateur de Boule et Bill était ce que l'on peut appeler un faux citadin. Il est né le 28 juillet 1930 à Schaerbeek (Bruxelles). Mais il a toujours préféré les rues aérées de la banlieue au centre-ville. Le genre de village dans la ville où les maisons possèdent de jolis jardins avec des balançoires, des cris d'enfants, des cockers, des oiseaux, voire une tortue.

Si Bill a la chance d'être né avec des oreilles magiques, Roba, lui, est né avec un crayon à la main. Amoureux du dessin depuis l'enfance, il n'a jamais imaginé faire autre chose.

À 3 ans, il dessine à l'envers, tête en bas. À 11 ans, il suit les cours du soir de l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. À 16 ans, il débute dans la publicité. À l'époque, on dit la réclame, un mot aujourd'hui délicieusement suranné. Il possède déjà la plupart des techniques de dessin et d'impression : du lavis à la gravure en passant par la retouche photographique. À la sortie de son service militaire, en 1952, il entre dans un studio spécialisé dans le dessin publicitaire. Sa voie semble toute tracée.

C'est Franquin qui détourne finalement le jeune Roba de la publicité. Entré en 1957 chez Dupuis, Roba fait d'abord un peu de tout (sauf le café, il a déjà trop de talent !). Illustration d'un conte de Noël signé Peyo, crayonnés pour deux Histoires de l'Oncle Paul, et même, premières histoires complètes de « Tiou le Petit Sioux ». Il réalise parallèlement quelques illustrations pour le magazine « Bonne Soirée », également édité par Dupuis. André Franquin apprécie sa patte et l'appelle auprès de lui. Nous sommes en 1958. Pour Jean Roba, l'heure d'une seconde naissance ! Franquin lui apprend les ficelles du métier et l'embarque dans trois aventures de Spirou et Fantasio : Tembo Tabou, Les Hommes Bulles et Les Petits Formats.

Et puis vient le « Spirou » 1132 du 24 décembre 1959. Six semaines après avoir réalisé un puzzle avec ses nouveaux héros pour le journal, Roba leur offre une première aventure. Boule contre les mini-requins voit l'apparition officielle du cocker et de son jeune maître, un garçon du nom de Boule, salopette bleue, T-shirt jaune.

Rosy, directeur artistique du journal, accepte de donner un coup de main à Roba pour le découpage. Mais très vite, le dessinateur de Boule et Bill n'a plus besoin de personne. Après une seconde histoire complète, il se lance, comme son maître André Franquin, dans le suprême défi du gag hebdomadaire. Ce qui ne l'empêche pas de faire vivre d'autres héros, à l'occasion : « Pomme » en 1962, et surtout, La Ribambelle, de 1965 à 1984 (six albums parus)

Pendant plus de quarante ans, Jean Roba continue à dessiner Boule et Bill avec le même talent et la même humilité. En 2003, il passe le relais à Laurent Verron son ancien assistant. Il peut alors se consacrer aux dessins personnels et à l'aquarelle.

24 albums chez Dupuis, avant de décider en 1987 de passer chez Dargaud. Et à chaque nouveau recueil, le succès, comme une évidence. Parce que, citoyen du pays de l'enfance, Jean Roba parle avec le coeur. Parce que, dessinateur hors pair, il invente le monde avec un crayon. Parce que Boule et Bill, inspirés de son propre fils et de son cocker ne pouvaient pas sonner faux. Il est fait chevalier des arts et des lettres en 1992.

L'artiste s'éteint à l'âge de 75 ans, en juin 2006.

Bibliographie de Jean Roba

P'tit Boule & Bill
6 tomes
Série en cours
Boule & Bill
13 tomes
Série en cours
Ribambelle (La) - Intégrales
2 tomes
Série en cours
Boule & Bill - Compil
1 tomes
Série en cours
Ribambelle (La)
2 tomes
Série en cours
Toute la bibliographie

Articles et actualités

Interviews

Roba en pensée

  Dans l’ouvrage hors série Boule & Bill de famille (initialement paru en 1987 sous le titre L’Album de famille), Jean Roba se confiait aux lecteurs. Guy Vidal fut son confident, témoin privilégié “d’un petit morceau de bonheur” comme lui-même aimait le répéter en évoquant l’univers du créateur de Boule & Bill. En voici quelques extraits.   “La main n’est qu’un outil. Elle est utile, mais c’est l’esprit qui compte. Le dessinateur dirige sa main parce qu’il a conscience de son dessin fini. Il sait où il va. Enfin, il devrait savoir où il va… Moi, j’ai tendance à couper les cheveux en quatre. Au grand désespoir de mon éditeur, je fignole des détails minuscules que personne ne verra à l’impression. Je suis un poildecuteur.”   “Mon enfance, c’est la mer du Nord. J’aime bien l’eau. J’aime beaucoup la Provence, mais j’aime moins la Méditerranée. Elle est trop bleue, trop carte postale. Il n’y a pas de marées. J’aime les ciels gris, l’Écosse…”   “Je suis aussi un rêveur. Au lit, je rêve tout le temps. Le matin, je pourrais dessiner ; je rêve en couleurs. Il m’est arrivé de continuer un rêve interrompu. De m’obliger à le continuer… Pas de cauchemars ! C’est un peu la même chose avec Boule & Bill. Je sais bien que leur monde n’est pas vrai. Il n’y a pas de maladies, il n’y a pas de drames dans la maison à part une rougeole de temps en temps… Mais je sais aussi qu’il y a des instants comme ceux que je dessine dans la vie. Entre ces instants, il peut se passer trente-six millions d’autres choses, que je ne dessine pas. Boule & Bill, c’est comme un album de photos de famille : on n’y range que le bonheur.”   “J’aime tous les animaux, et les oiseaux en particulier. Ils représentent la liberté. Mon rêve : être oiseau, savoir voler, jouer de la musique et un peu dessiner, quand même !… Dans ce chapitre, il y a quelques avions. Il n’y a rien de plus beau qu’un avion… Et puis, est-ce que vous vous souvenez de l’acteur américain Dany Kaye dans le film La Vie secrète de Walter Mitty ? C’était l’histoire d’un homme qui vivait une vie ordinaire mais qui rêvait de choses extraordinaires. Je suis comme lui. On me parle affaires et pendant ce temps, je pilote un avion de chasse durant la bataille d’Angleterre…”   “Ce qui me fait rire, c’est le truc qui rate, le machin qui coince, la vanité des choses : les crottes de pigeon sur la statue de Nelson, le banquier qui se ramasse la figure sur une peau de banane – évidemment, ça n’arrive pas très souvent. C’est Bill se prenant pour Napoléon… Quand j’étais jeune, l’opéra était un sommet du gag. Dans Samson et Dalila, le temple s’écroulait avec une tonne de poussière et tout le monde toussait pendant un quart d’heure. Mais eux aussi, ils ont fait des progrès. C’est moins drôle maintenant.”   “J’ai une mémoire photographique. C’est une chimie bizarre. Je vois mon gag fini.”   “Je suis coléreux mais je ne suis pas rancunier. Je ne le suis qu’avec les gens que je n’aime pas. Il y en a, en définitive, très peu.”   “Mon premier album est paru en 1959-1960… Je publiais un gag par semaine dans Spirou et mon éditeur m’a dit : ‘C’est très dur. Au centième, vous arrêterez.’ J’ai dépassé depuis longtemps le millième. Mais à l’époque, on s’entraidait. Avec Franquin, Morris, Peyo, Tillieux, on se livrait à des ‘séances de sueur’ : on passait la nuit chez celui qui était en panne de gag, à chercher des idées. On rigolait bien, on avait 15 ans d’âge mental. Un journaliste a baptisé ça l’École de Charleroi. Nous, on n’aurait pas osé…”   “Je suis né en 1930 et j’ai vécu ma petite enfance dans une commune quasi rurale de la banlieue de Bruxelles. Il y avait des champs, des maraîchers, des gens qui allaient travailler en sabots. Il m’est arrivé de retourner dans les coins de mon enfance. Les palissades et les glissades ont disparu. On devrait élever un monument à l’inventeur des palissades : c’est très agréable à dessiner. Je ne fais plus ce genre de voyage. On ne retrouve rien. Ni la petite école, ni le coin de rue qu’on aimait bien, ni le magasin de bonbons. On ne les retrouve plus que dans les films de Tati… Cela dit, le passé, c’est joli, mais je n’ai qu’à penser une minute au dentiste et je préfère maintenant. On a inventé l’anesthésie, on a fait beaucoup de progrès.”   “Parfois, tu rates ton dessin ! Tu jures. C’est pas ça ! Pas cette expression ! Ma tête ne transmet pas à ma main ce que je veux. Alors je me lève, je marche de long en large. Ceux qui me connaissent savent que je cherche quelque chose…”   “Un (beau) jour, Franquin m’a téléphoné. Il cherchait un assistant. ç’a été le grand choc ! Sapristi, Franquin !… C’est un peu comme si on demandait à un petit chanteur s’il veut passer sur scène avec Yves Montand ou Sinatra…” Je revois Franquin penché sur mes dessins. ‘C’est très bien, Roba, mais si vous permettez…’ et il prenait sa gomme et il effaçait tout. On apprend comme ça.”   “L’observation de mes chiens n’a jamais été autant qu’on a pu le croire la matière première de mes gags. Les chiens font des quantités de sottises, c’est vrai. Ils partent avec le gigot, mais ce n’est pas suffisant pour alimenter une page…”   “J’aime rire et on me dit que mes rires s’entendent de très loin. Je ne déteste pas faire le pitre avec les copains…”   “Est-ce que je passe en dessous des échelles ? Oui. En me disant : ‘Tant pis, je vais risquer.’ Si je me dis ça, c’est que j’y crois quand même un peu…”   “Les chats noirs, les porte-bonheur me laissent indifférent… Ce n’est même pas vrai ! J’adore les chats, tous les chats, même noirs !”

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